Page 27 - Ryadh_Salihin

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Les Jardins des Vertueux
Je VillS aiors, il me salua et eut un sourire qui pouvait difficilement dissimuler sa colere. 11
me demanda d'approcher, je m'executai et m'assis devant lui. 11 m'interrogea : "Qu'est­
ce qui t'a donc empeche de te joindre a nous ?N'avais-tu pas deja achete ta monture ?"
Je repondis :
"0
Envoye de Dieu
!
Si je me trouvais devant un autre que toi,
j'
aurais
certainement pris Ie parti de trouver une excuse afin de me soustraire a ta coiere, car
Dieu m'a fait don de
r
eloquence. Mais, par Dieu, je sais bien que si je te racontais
queIque mensonge pour te satisfaire, Dieu ne tarderait a me frapper de Sa colere. Par
contre, si je te dis ia verite, dusse-je encourir ta coiere, je pourrais esperer une conclu­
sion heureuse de la part de Dieu Tout-Puissant. Par Dieu, je n'ai pas la moindre excuse.
Par Dieu, je ne me suis jamais senti aussi fort ni aussi riche que lorsque je t'ai fait defec­
tion."
Le
Messager de Dieu
(~)
dit alors : "Voila quelqu'un qui a parle sincerement.
Va, jusqu'a ce que Dieu prononce sur tol Sa decision."
Des hommes de la tribu des Bam! Salima me suivirent et me rattraperent pour me rure :
"Par Dieu ! Nous n'avons jamais appris que
tu
avais commis un peche avant celui-Ia.
Tu aurais certainement pu trouver une excuse aupres de l'Envoye de Dieu
(~)
comme
l'ont fait les autres deserteurs, et sa demande d'absolution en ta faveur aurait largement
suffi
a
effacer ta faute." Par Dieu! Ils ne cesserent de me faire des reproches jusqu'a ce
que je con<;:oive Ie desir de retourner aupres de l'Envoye de Dieu pour revenir sur mes
paroles. Je leur demandai alors si d'autres etaient dans Ie meme cas que moL I1s me
repondirent : "Qui, deux hommes sont dans Ie meme cas que taL" Je demandai : "Qui
sont-ils
?" -
"Murara ibn Rabi' al-'Amd et Hilal ibn Umayya al-Waqifi, repondirent­
ils." II s'agissait de deux hommes pieux, au comportement exemplaire et qui avaient
participe
a
la bataille de Badr. Je m' en allai alors.
Parmi tous ceux qui n'avaient pas pris part a
l'
expedition, nous fumes les trois seuls
auxquels Ie Prophete
(~)
interdit d'adresser la parole. Alnsi, les gens nous evitaient
(ou changeaient d'attitude envers nous) , tant et si bien que la terre me parut avoir
change, je ne Ia reconnaissais plus. Nous demeurames dans cette situation cinquante
longues nuits. Quant
a
mes deux compagnollS d'infortune, ils se resignerent a leur sort
et restaient chez eux a pleurer incessamment. Pour rna part
j'
etais Ie plus jeune et Ie
plus robuste des trois -, je sortais pour accomplir la priere avec Ies musulmans et par­
courais les marches sans que personne m'adressat la parole. 1'allais saluer l'Envoye de
Dieu
alors qu'il etait assis avec ses Compagnons apres Ia priere, et je me demandais
s'il avait remue Ies levres au non pour repondre a man salut. Je me pla<;:ais ensuite tout
pres de lui pour prier et je
l'
epiais furtivement. Lorsque
j'
etais en priere,
il
me regardait,
et Iorsque je me tournais vers lui,
il
se detournait de moi.
A
la longue, la froideur des
musulmans me devenait insupportable, et je decidai de me rendre chez Abu Qatada, un
cousin qui m'erait tres cher.
l'
escaladai Ie mur d'enceinte de son jardin et Ie saluai, mais
Dieu est Temoin, il ne me rendit meme pas Ie salut. Je lui dis alors :
"0
Abu Qatada
!
Je t'en conjure au Nom de Dieu, ne connais-tu pas l'amour que j'eprouve pour Dieu et
Son Prophete
?"
II ne repondit pas. Je renouvelai rna question, Ie suppliai,
il
se taisait
toujours. Je Ie suppliai de nouveau et
it
me repondit : "Dieu et Son Envoye sont plus
savants." Mes yeux deborderent alors de larmes. Je m'en allai et passai de nouveau par­
dessus son mur.